mardi 11 octobre 2011

La langue de mes enfants

Chez nous, les langues sont vivantes. Mon conjoint est unilingue anglais, un vrai de vrai Ottawaien. Quant à moi, ma langue maternelle est le portugais, bien que je sois née au Québec et que j’aie complété toutes mes études en français. J’ai côtoyé l’anglais depuis la tendre enfance et suis, selon les critères de la Fonction Publique du Canada, parfaitement bilingue. Je maîtrise l’espagnol à un niveau avancé et m’amuse à mémoriser des petites phrases et des mots dans diverses langues. Je travaille dans une école au sein du Ministère de la défense nationale, dans la section des Langues étrangères. Je suis capable de saluer les professeurs d’arabe, d’italien, de russe, d’allemand, de portugais, d’espagnol, etc. dans leurs langues respectives. Cela vous donne une idée de l’environnement linguistique dans lequel je vis et auquel sont exposés mes enfants. Certains vont dire « pauvres enfants, ils vont être mélangés », d’autres vont dire « quelle veine ! », d’autres encore restent bouche bée.

Or pour vous donner une idée de ce qui se passe dans notre foyer, et pour partager avec vous mon opinion sur l’apprentissage des langues, je vous fais part d’une conversation téléphonique récente entre mon père et mon fils aîné.

Pour vous situer, voici les protagonistes de ce dialogue :
Vavô Beto : grand-papa Alberto qui parle seulement le portugais à mes enfants
Daddy : mon mari qui parle seulement l’anglais
Mon grand : Benjamin, qui parle anglais à Daddy, portugais à Vavô Beto, français (majoritairement) à maman mais aussi un peu d’anglais et de portugais
Moi : Voir le début de mon texte pour mes connaissances langagières

Je vous suggère de lire ce texte en vous laissant aller à l’exercice de l’abandon. Les petites erreurs et omissions sont là pour tenter de reproduire tel quel le langage de mon fils :

Moi : Je vais appeler Vavô Beto pour lui demander si je peux emprunter sa voiture demain.
Benjamin : Maman, Benjamin veut appeler Vavô Beto. (Les enfants aiment donc parler au téléphone.)
Moi : D’accord, alors peux-tu lui demander si maman peut emprunter sa voiture demain ?
Je signale et mon fils attend que je lui transmette le récepteur.
Vavô Beto : Allô. (Prononcé avec un accent étranger.)
Silence.
Moi : Dis bonjour à Vavô, Ben.
Mon grand : Bom dia Vavô.
Vavo Beto: Bom dia Benjamin.
Silence.
Moi : Dis comment ça va Vavô ?
Mon grand : ‘tás bom Vavô ?
Vavo Beto : O Vavô ‘tá bom. E o Ben, ‘tá bom também ?
Mon grand: O Benjamin ‘tá bom também.
Vavo Beto: O que é que o Benjamin está fazendo?
Mon grand: Brincando.
Vavô Beto: Ahhhh.
Mon mari entre dans la cuisine et demande à qui parle Benjamin.
Daddy : Who’s Ben talking to?
Mon grand: I talking to Vavô Beto, Daddy. (Répond Benjamin, fierté et téléphone en main.)
Daddy: Oh, ok. Say hi to him.
Mon grand : Vavô, o Daddy diz "Hi".
Silence.
Moi : Benjamin, demande à Vavô Beto si maman peut emprunter la voiture de Vavô Beto demain.
Benjamin : Vavô, maman que’ sabe’ se ela pode pega’ o carro do Vavô Beto amanhã.
...

Moi qui ai la logorrhée facile, je demeure bouche bée devant cette traduction simultanée de mon fils de trois ans et demi. Ne parlons plus du fait que mon grand parle l’anglais, le français et le portugais couramment mais du fait qu’il associe les langues aux gens et s’assure, comme pour garantir la compréhension de tous, d’offrir ses traductions simultanées aux personnes concernées.

Nous entendons souvent dire que les enfants sont comme de petites éponges qui ramassent toute l’information qu’on veut bien leur transmettre alors, allons-y, exposons-les à toute cette information et laissons-les explorer, comme des grands, les nombreuses voies qui s’ouvrent à eux.

Mon grand aura sans doute à passer par des moments de confusion entre toutes les langues qui circulent dans sa tête (si ce n’est déjà fait) mais il les démêlera éventuellement et détiendra la capacité d’avoir des ailes au niveau de la communication. Il sait déjà distinguer l’espagnol quand je sélectionne cette langue pour visualiser un de ses films préférés. De plus, je lui lance de petits mots ici et là dans d’autres langues, pour ouvrir ses horizons : c’est d’ailleurs sur le mot ‘merci’ (spasiba en russe et shukran en arabe) que nous travaillons pour le moment.

Bien que pour certaines personnes la communication chez nous semble cacophonique, tout ce beau mélange c’est pour moi l’harmonie des sons et des mots. Je pense que le fait d’être exposés aussi tôt à toutes ces langues permettra à mes garçons de les apprendre en profondeur, le temps venu. Qu’en pensez-vous ?

Je cède l’espace à vos observations et à vos expériences linguistiques.

Merci, thank you, obrigado, gracias…

1 commentaire:

  1. Bonjour!
    Voici mon vécu et le bilinguisme à la maison.
    Ma mère: anglais, un peu de français
    Mon père: français, très bien anglais
    Donc je connais très bien les deux langues.
    Dans mon foyer avec mes enfants/mari:
    Moi: français, anglais (mais occasionnellement anglais à mes enfants... surtout quand je suis fâchée! on dirait que ca sort mieux ! lol)
    Mon mari: français seulement au début de notre relation, maintenant anglais aussi (je ne pouvais pas payer 15$ pour aller au cinéma pour un film traduit lol)
    Alors je l'ai montré l'anglais.
    LA TÉLÉVISION
    Mon mari: Price is Right (image association), Roseanne et Fresh Prince of BelAir.
    Mes enfants: Si ils voulaient écouter la télé... bien c'était en anglais.
    Vous pouvez voir l'amélioration en qqes émissions seulement.
    Plusieurs disent que la télévision c'est pas bon... moi je dis que nous pouvons nous en servir à notre avantage!

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